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samedi 25 juin 2011

Mon blues à moi : John Hammond

Par Pilblues

John Hammond



Voici un autre blanc-bec qui, parmi les premiers, a osé se frotter au répertoire du blues dès les années soixante. Il est moins connu du grand public que Paul Butterfield, et a été moins innovant, mais il possède pratiquement tous les styles de blues et chante avec ferveur. C'est un des rares véritable « chat de gouttière » blanc capable de nous miauler le blues. Cela en a énervé quelques uns et il est vrai que cela peut fatiguer à la longue, lorsque l'on enchaîne les morceaux les uns derrière les autres. Mais quelques morceaux de ballades lentes sur guitare acoustique normale possèdent une fulgurance qui justifie amplement ce choix. Dès 1962, on comprend tout à coup d'où vient le rock...

Le père

Journaliste blanc sympathisant du Parti Communiste américain, John Hammond fut un jeune producteur de jazz, issu de la bourgroisie New-Yorkaise. C'est lui qui organisa au Carnegie Hall à New York le célèbre spectacle From Spirituals to Swing qui reprenait tous les grands thèmes de la musique noire américaine. Sonny Terry et Big Bill Broonzy y figuraient dans la partie dédiée au Blues.

Il produit entre autres Bessie Smith et la fait découvrir à Hugues Panassié du Hot Club de France (Hammond en est le président mondial). Panassié la fait à son tour découvrir aux français.

Le fils (Sur la photo ci-dessus)

Fils de John Henry Hammond et de sa première épouse, Jemison McBride, une actrice.

Prénom, Paul, en l'honneur d'un ami de son père, l'acteur Paul Robeson. Cependant, Hammond est élevé par sa mère et il ne voyait son père que très rarement.

Il a commencé à jouer de la guitare au lycée, en partie inspiré par une performance de Jimmy Reed à l'Apollo Theater. Dans le milieu des années 60, il est en tournée nationale et vit à Greenwich Village. Il se lie d'amitié et enregistre avec de nombreux musiciens de blues électrique à New York, dont Jimi Hendrix, Eric Clapton, The Hawks (plus tard connue sous le nom The Band), Dr John, et Duane Allman.

Hammond joue habituellement en acoustique, choisissant la dobro « Nationale Reso-Phonic Guitars » et chante dans un style barrelhouse. Depuis 1962, quand il fait ses débuts sur le label Vanguard, Hammond a réalisé 34 albums jusqu'à présent. Dans les années 1990, il enregistre sur l'étiquette Point Blank Records. Hammond a gagné un Grammy Award et a été nominé pour quatre autres. Il a également fourni la trame sonore du film de 1970, Little Big Man, avec Dustin Hoffman.

Bien que salué par la critique, Hammond a reçu un succès mitigé. Néanmoins, il jouit d'une base de fans solide et a gagné le respect de John Lee Hooker, Roosevelt Sykes, Duane Allman, Robbie Robertson et Charlie Musselwhite, qui ont tous contribué à ses disques. En outre, il est la seule personne qui ait jamais eu dans le même temps, Eric Clapton et Jimi Hendrix dans son groupe, même si cela n'a été que pour cinq jours dans les années 1960, quand Hammond joue au Café Gaslight à New York City. Il enregistre avec plusieurs des membres de The Band en 1965, et les recommande à Bob Dylan. Il a joué aussi avec Muddy Waters, Howlin 'Wolf, JJ Cale, Tom Waits, John Lee Hooker et bien d'autres...

Dans la première partie des années 1990, Hammond s'investit dans le documentaire de la télévision britannique « A la recherche de Robert Johnson ».

Hammond a une longue amitié avec le compositeur Tom Waits. En 2001, il publie Grin Wicked, un album entièrement fait de compositions de Tom Waits, avec Waits lui-même à la guitare et choeurs et assurant la production du projet.

En 2011, Hammond est intronisé au Temple de la renommée du Blues de la Fondation Blues.

AFTER DARK: 12th show of '85 pt 2 (25/3/1985) - John Hammond




Une reprise de Robert Johnson 

John Hammond, "Come On In My Kitchen" 




John Hammond Jr. - Slick Crown Vic





Duo avec Tom Waits
John Hammond & Tom Waits - I Know I've Been Changed


Et un petit bonus en forme de duo
JOHN HAMMOND & JORMA KAUKONEN - My time after a while


samedi 11 juin 2011

Mon blues à moi : Paul Butterfield Blues Band


Paul Butterfield Blues Band


par Pilblues

Sleep harmo vous tient en haleine (si j'ose dire avec cet instrument...) depuis deux semaines avec son harmonica. Ahhh ! L'harmo. Son histoire au far ouest tient du conte de fées. Toujours est-il que cet instrument, outre le fait qu'il se fait tout petit dans la poche et dont le prix modique ne fait pas de gros trous dans le porte monnaie, est conséquemment un des jouets favoris des bluesman qui l'ont exploité à fond. Je ne vous parlerai pas cette fois-ci de ces vénérables et pauvres noirs du delta, mais du premier américain blanc a s'être familiarisé au « ruine babine », le propulsant d'un coup sur la scène pop.

Paul Butterfield a été le premier joueur d'harmonica blanc à développer un style original et assez puissant pour le placer dans le panthéon des grands noms du blues. Impossible de sous-estimer l'importance des portes ouvertes par Butterfield. Avant son arrivée au premier plan, les musiciens américains blancs traitaient le blues avec prudence, se considérant comme inauthentiques. Butterfield leur ouvrit la voie en s'appuyant sur la tradition du blues au lieu de se contenter de le reproduire. Ses performances agirent comme un catalyseur majeur pour le blues électrique de Chicago, surtout pour le public blanc qui ne prisait que le blues acoustique du Delta.

A partir du milieu des années 60, avec le Paul Butterfield Blues band, un des premier orchestre à pratiquer l'intégration raciale, nous avons affaire à une musique éclectique, révolutionnaire, qui allie une offre de blues électrique avec du rock & roll, du rock psychédélique, du jazz, et même sur l'album East-West de la musique classique indienne.

Butterfield est né le 17 Décembre 1942, à Chicago. Son père avocat et sa mère peintre ont encouragé ses études musicales dès son plus jeune âge et il prend des leçons de flûte avec le flûtiste de l'Orchestre symphonique de Chicago qui lui sert de tuteur privé.

Mais cependant, Butterfield est de plus en plus intéressé par la musique blues qui imprégnait le South Side. Il y fréquente les blues clubs dès 1957. Butterfield avec sa guitare et son harmonica, joue sur les campus universitaires à travers le Midwest. Contraint de refuser une bourse d'athlétisme à l'Université Brown à cause d'une blessure au genou, Butterfield entre à l'Université de Chicago, où il rencontre un autre garçon fan de blues, le guitariste Elvin Bishop. Butterfield et Bishop continuent à faire le tour des clubs de blues ou ils étaient souvent les seuls blancs présents. Butterfield devient un chanteur décent, et peu de temps après avoir rencontré Bishop, il concentre son énergie musicale sur l'harmonica, développant sa technique, un son. Il abandonne vite ses études pour faire de la musique à plein temps.

Butterfield et Bishop sont rapidement acceptés en raison de leur enthousiasme et de leur compétence musicale. En 1963, le club de North Side Big John's offre au Butterfield blues band une résidence. Butterfield a déjà recruté le bassiste Jerome Arnold et le batteur Sam Lay de la section rythmique de Howlin 'Wolf, et remplacé le guitariste Smokey Smothers par son ami Bishop.

Fin 1964, le Paul Butterfield Blues Band est découvert par le producteur Paul Rothchild, et après avoir ajouté le guitariste Michael Bloomfield, ils signent pour Elektra et enregistrent plusieurs séances pour un premier album, dont les résultats ont été tout d'abord mis au rebut.

Malgré quelques frictions entre Butterfield et Bloomfield au départ, le respect pour les compétences musicales l'a emporté, et ils ont joué en ensemble dans des clubs de blues autour de la ville. Une chanson de leur première session annulée, "Born in Chicago", a créé un fort buzz sur le groupe. À l'été 1965, ils rentrèrent dans le studio pour une deuxième session, en ajoutant l'organiste Mark Naftalin en tant que membre permanent. Dans l'intervalle, ils sont réservés pour jouer au Folk Festival de Newport. Lorsque Bob Dylan a vu leur performance lors d'un atelier blues pendant ce festival, il a recruté le groupe pour une partie de son propre show, tard dans la soirée.

Vertement conspué par les puristes acoustiques, Dylan et le Paul Butterfield blues band sont restés stoïques pour finalement ébranler le monde folk dans ses fondements, et lancer un mouvement électrique folk-rock efficace qui a sonné le glas du renouveau folk traditionaliste.

Dans la foulée de leur passage historique à Newport, le Paul Butterfield Blues Band sort son premier album éponyme plus tard en 1965. Maintenant considéré comme un classique, le LP a causé tout un émoi parmi les amateurs de blues blanc qui n'avaient jamais entendu de blues électrique dans le style de Chicago effectué par des blancs, hormis les groupes du blues-rock britannique. Non seulement il a semé les graines d'un millier de bandes de bar, mais il a également contribué à introduire auprès des auditeurs blancs les influences du groupe, notamment Muddy Waters et BB King. Vers la fin de 1965, le batteur Sam Lay est tombé malade et a été remplacé par le batteur de jazz Davenport Billy, dont les rythmiques et de la sophistication ont bientôt fait de lui un membre permanent. Il a été particulièrement utile, car Butterfield est poussé à diversifier le son du groupe, de par l'intérêt croissant de Bloomfield pour la musique orientale, en particulier Ravi Shankar. Leur éclectisme se manifeste de plus en plus sur leur deuxième album, 1966 East-West, qui reste leur plus grand exploit. Ce LP est une suite instrumentale intégrant blues, jazz, rock, psychédélique, et raga... C'est devenu leur signature musicale.

Malheureusement, Mike Bloomfield quitte le groupe en plein succès en 1967, et forme un nouveau groupe appelé l'Electric Flag avec Gravenites Nick. Tout deux aspiraient à pousser l'éclectisme d' "Est-Ouest" encore plus loin.

Elvin Bishop reprend la guitare leader pour le troisième album du groupe, en 1967 "The Resurrection of Pigboy Crabshaw" (une référence au surnom de Bishop's). L'album comporte une nouvelle section rythmique dans le bassiste Bugsy Maugh et le batteur Phil Wilson, plus une section de cuivres qui comprenait un jeune David Sanborn. En1968 a suivi l'album, "In My Own Dream", plus inégal dans son écriture, et les deux Elvin Bishop et Mark Naftalin quittent le groupe avant la fin de l'année.

Cela ne va plus très bien entre Butterfield et la firme Elektra, Paul désirait s'orienter dans une direction musicale plus jazzy que le style promu par la firme ; le résultat de 1969 "Keep on Moving", a été une nouvelle sortie "incompatible", malgré le retour de Billy Davenport et une injection d'énergie donné par le nouveau guitariste de 19 ans, Buzzy Feiten. 1969 n'a pas été un fiasco pour Butterfield, le groupe restait encore assez populaire pour qu'il puisse prendre part au projet de Woodstock. Il est également présent à une "session de stars" organisé par Muddy Waters surnommé "Fathers and Sons", qui témoigne de l'influence du géant de Chicago sur la nouvelle génération de bluesmen.

Après 1970, Butterfield se sépare d'Elektra. Fatigué de tout ces tracas, il se retire dans l'atmosphère de Woodstock, un paradis pour les musiciens dans le début des années 70. En 1971, il forme un nouveau groupe baptisé Better Days. Le guitariste Amos Garrett et le batteur Chris Parker ont été les premiers à rejoindre, avec Geoff duo folk et Maria Muldaur en remorque. Le groupe est étoffé par l'organiste Merl Saunders et le bassiste John Kahn, tous deux de San Francisco. Cette agrégation travaille sur la bande son originale du film Steelyard Blues. En 1972 sort "Better Days".

Butterfield poursuit par la suite une carrière solo, mais avec des succès décroissants. Son jeu d'harmonica, même s'il reste exceptionnel, n'est plus de mode. En 1975, il apparaît dans le film « The Last Waltz ».

Il tente un come-back en 1981 mais sa santé est en déclin, les années de forte consommation d'alcool commencent à le rattraper... d'autant qu'il est en pleine addiction à l'héroïne, lui qui s'y était farouchement opposé en tant que chef d'orchestre. Le 4 mai 1987, Butterfield décède d'une surdose, il n'a pas tout à fait 45 ans.

Je crois honnêtement que nous devons beaucoup au Paul Butterfield Blues Band. Leur album "East-West" a véritablement été un électrochoc dans le monde musical au milieu des années 60. Il est aussi important à mon idée que les albums Revolver et Sergent pepper des beatles. Peut être même a-t-il été précurseur ? Va savoir...

Je reconnais toujours le jeu singulier d'harmonica de Paul Butterfield. Ses riffs ont été depuis copiés et repris sans vergogne par tous les harmonicistes, avec bonheur...


Paul Butterfield Blues Band - Driftin' Blues (Monterey 1967)




Paul Butterfield Blues Band - born in chicago Newport Folk Festival




Slowdown Paul Butterfield With Levon Helm Dr.John and David Sanborn.

samedi 14 mai 2011

Mon blues à moi (9) : Big Bill Broonzy


Big Bill Broonzy


28 juin 1893, Scott (Mississippi) - 15 août 1958, (Chicago)


De tous les bluesman du Delta d'avant-guerre, Big Bill Broonzy est un des rares a avoir atteint un statut de popularité aussi importante.

Big Bill Broonzy est né dans une famille nombreuse de paysans (17 enfants ?). Le jeune William Lee Conley, dit plus tard Big Bill Broonzy, joue d’abord du violon et du banjo lors des mariages et des fêtes familiales. Mais c’est en tant que guitariste qu’il commence sa carrière au milieu des années vingt à Chicago, enregistrant ses premiers 78 tours en 1926. Deux ans plus tard, il connaît son premier grand succès avec "Big Bill Blues", qui lui assure une réputation qui durera jusqu’à sa mort.

Il enregistre plus de 300 faces de disque en vedette et autant en qualité d’accompagnateur d’autres grands bluesmen (Washboard Sam, Jazz Gillum, Memphis Slim, entre autres) pour des labels tels que Paramount, Jewel, ARC, Perfect, Romeo, et d'autres. Avec à ses côtés Frank Brasswell, il forme son propre groupe, appelé le "Boys Hokum", ou les "cygnes noirs de Chicago", ou le "Ramblers Midnight" (Broonzy est cité comme Bill Williams, Big Bill Johnson, Sammy Sampson, etc ...).

Chanteur à la voix forte, claire et prenante, au ton déclamatoire, il est un guitariste complet, véloce et bondissant dont le style innovant sera abondamment imité.

Son immense talent et sa personnalité chaleureuse le rendent populaire auprès de la communauté noire de la ville de Chicago, pendant la période (1930-1942) qui représente l’âge d’or du Chicago blues.

Après la guerre, son style devient moins fruste, plus policé, urbain et électrifié. Il est l’un des premiers bluesmen à venir en Europe et notamment en France (1951), et nul autre que lui n’aura eu plus d’importance pour la propagation du blues au moment où celui-ci semblait en voie de disparition. Doté d’un remarquable sens commercial, il abandonne alors sa guitare électrique et sa section rythmique pour revenir à la formule soliste des origines et il est présenté comme « un laboureur noir du Sud » ou comme "le dernier des bluesmen vivants" interprétant les vieux chants folkloriques du Sud. Sur le disque "Hollerin’ and Cryin’ the Blues" (enregistré en France), il chante le célèbre "Baby please don't go", des "traditionnels" comme "John Henry" ou le "spiritual" "Nobody Knows".

Tout d'abord une vidéo filmée par Pete Seeger. Big Bill Broonzy est sur les marches du porche de la maison de la ferme du "summer Camp Circle Pines Center " ou il travaillait. Il avait alors 64 ans, pas mal encore non ? Il y joue 3 blues dont l'instrumental Hey, Hey qu’Eric Clapton a reprit récemment.
Pilblues

Big Bill Broonzy‪- 3 chansons


‪Big Bill Broonzy‪- Trouble in mind


Big Bill Broonzy‪- When Did You Leave Heaven‬


Enfin, ce n'est pas une vidéo mais c'est une de mes préférées.
Si tu es un blanc, ça va tu peux rester, si tu es métis, reste en dehors, mais si tu es noir, dégage....
‪Big Bill Broonzy‪- black brown white

samedi 7 mai 2011

Mon blues à moi (8) : Leon Redbone


Leon Redbone



Petite digression, si nous restons dans le domaine du blues, étendons-le aux portes du jazz, celui du dixieland, de cette musique féconde d'entre deux guerres. A cette époque, la limite entre ces genres était bien floue, les mêmes musiciens jouant joyeusement du blues généralement en solo, et du jazz en groupe.

Je veux ici vous présenter Leon Redbone, un guitariste interprète hors norme qui sévit toujours sur les scènes américaines.

Mélange détonant, Leon Redbone est un cas, un canular ! II s'entoure de mystère, et sa petite moustache, son inamovible panama, sa petite silhouette, cachent la réincarnation de Groucho Marx.

Mystère donc !

Il prétend un jour être né à Bombay lors d'une éclipse de soleil, fils inconnu de gens célèbres. Son allure désuète de petit anglais victorien en costume croisé, lunettes noires, et humour vitriolesque en fait un personnage plus qu'à part, à côté.

Il interprète de son inimitable voix de crooner, un répertoire Jazzy très orienté vers les années 20, souvent des titres peu connus de cette époque, des vieux blues ragtimes sur fonds de dépression, des valses anciennes et du jazz-folk datant de la seconde guerre mondiale. Sa passion de ces chansons du temps passé a fait de lui une sorte de conservateur officiel du Musée de la musique du XX siècle.

Le lien qui relie entre eux les styles musicaux favoris de Leon Redbone est son extraordinaire maîtrise de la guitare acoustique. L’aspect fantaisiste du personnage ne doit pas faire oublier qu’il est un redoutable technicien de la six cordes, expert en techniques diverses dont un remarquable finger-picking.

La carrière de Leon Redbone s’est envolée dans les années 70 quand Bob Dylan l’a fait venir au festival folk de Mariposa.

Les USA l’ont découvert sur Saturday Night Live en 1976 et n’ont jamais oublié son incroyable version de « Walkin’ stick ». Pour cette époque très marquée par une scène rock amplifiée, le message intimiste et feutré de Leon Redbone trouva ses adeptes.

Leon Redbone a fourni des titre-thèmes pour la télévision, des films, et fut longtemps l’invité favori de Johnny Carson. Il a popularisé la publicité pour la bière « This Bud’s for you ». C'est sa voix que l’on entend dans « Getting to know you » dans une série de pubs pour Chevrolet. Pour cette figure atypique du spectacle, les occasions d’apparaître dans le monde de la culture pop se sont avérées nombreuses.

Mais pour lui, toutes ces aventures parallèles sont des gadgets sympathiques qu’il refuse de prendre au sérieux et ne sont que des hors d’œuvres, comparées au plat principal : la scène. Leon Redbone préfère les concerts à tout autre chose, y compris les studios d’enregistrement.

Le succès lui tombe dessus actuellement, cela le laisse assez froid, pourtant dès 1975, nous aurions dû avoir la puce à l'oreille concernant ce drôle de type. « L'esprit réuni de Jerry Roll Morton, de Fats Waller, et de Bing Crosby » clamait un critique américain.

L'homme qui se prétend Léon Redbone continue son bonhomme de chemin, toujours aussi lunaire, improbable, chantant, sifflotant, jouant de l'harmonica, imitant la trompette avec la bouche... Il est stupéfiant, déroutant, et infiniment sympathique.

Leon Redbone apparaît sur terre avec l'aimable autorisation de Groucho Marx, Buster Keaton, Chaplin, Waits et de tous les clowns tristes qui ont su rendre le monde plus tendre.


Une version déjantée d'un tube popularisé par Louis Prima
Leon Redbone - I Aint Got Nobody (extended intro)




Le voici au sein d'un orchestre, tuba clarinette, basse...
Leon Redbone - "Ghost Of St Louis Blues"& "My Blue Heaven"




Entourage plus country
Leon Redbone - Crazy Blues




Un incroyable talent de pinson..
Leon Redbone - Please Don't Talk About Me...

samedi 30 avril 2011

Mon blues à moi (7) : Sonny Terry


Sonny Terry



Je vous présente Sleep Harmo, dessinateur, humoriste et musicien. Depuis que je le connais, lui, son p'tit frérot, (et notre belle lurette), je ne l'ai jamais vu sans avoir en poche, dans une petite boite rouge, un picolo, mini harmonica de chez Hohner. C'est son talisman, son fil rouge.

Je partage avec lui son amour cette bête bizarre, qui, outre le fait de pouvoir faire hurler à la mort le clébard le plus policé, est avec la guitare le moyen d'expression le plus courant des bluesman.
Pilblues

Sonny Terry, né le 24 octobre 1911 à Greensboro (Georgie),
décédé le 11 mars 1986 à Mineola (New York)


Voilà maintenant 50 ans que l’harmonica diatonique fait partie intégrante de ma vie. La rencontre avec cet étrange instrument est le fait du hasard. Vers l’âge de 13, 14 ans, passant devant la vitrine d’un électricien en banlieue qui vendait également tourne-disques, disques, flutes à bec et harmonicas, je fus attiré par le petit modèle piccolo en do de chez Hohner qui trônait dans la vitrine. Un véritable coup de cœur. Pour 6,40 francs, je m’offrais (tout du moins je l’imaginais) un énorme bonheur. Tout mon argent de poche y passa. Heureux et excité à la fois, la petite boîte rouge au fond d’une poche, je me demandais bien qu’elle mouche m’avait piqué ? Je n’avais je l’avoue aucune connaissance particulière sur le sujet. J’avais bien entendu Albert Raisner et un vieux chef de patrouille chez les louveteaux souffler dans l’instrument mais c’était tout.

Après quelques tentatives plus proches du myxolydien non maitrisé que du pentatonique débridé, rien ne sortit de la miniature à lamelles. Mon enthousiasme chuta aussi vite que les cours en plein jeudi noir. Rejeté au fond d’un tiroir mon pauvre Piccolo entamait déjà une retraite précoce vouée sans doute à l’éternité…

Je le libérais bien plus tard après avoir découvert et entendu Bob Dylan, Les Stones, Les Them, les Yardbirds etc … Me disant qu’avec un peu d’effort, j’arriverais bien à sortir quelque chose de la bête.

Dans cette rubrique, je vais essayer, non pas de vous décrire mon long apprentissage de l’harmonica et mes progrès mais plutôt de vous faire partager différents coups de cœur autour de ce drôle d’instrument en y associant sons, vidéos, photos ou dessins collectés sur la toile.

Quand j’ai, pour la première fois, écouté tel ou tel harmoniciste? Je n’aspire pas à faire inventaire de manière chronologique, ni organiser, orchestrer, disséquer, labelliser, caser, alphabétiser, non !! ce sera avec l’aide d’une vieille copine, ma mémoire. Il me faudra parfois vraisemblablement ramer ! mais fi des difficultés que je ferai subir à mes synapses.

Je me lance !

Du coté de la Basilique de Saint Denis, un libraire, avait un petit rayon vinyls avec jazz, blues et musiques du monde. C’était ce jour là mon anniversaire, en entrant dans la boutique du père Bodard, mon frère me dit :

- ça te dirait un 33 ?

- tu parles !

– du Jazz ?

– non plutôt un truc où il y de l’harmonica !

- du blues alors ?

Après avoir plongé dans le rayon je tombais sur un American Folk Blues Festival 1965. Sur ce disque, il y avait peu d’harmonica, mais ça ferait mon espoir, le soir rivé à mon teppaz, quelle claque ! Plage 9 et 10 Shakey Jake et plage 12 Sonny Terry (en compagnie de Brownie Mc Ghee). Mais comment faisaient-ils, pour sortir des sons aussi étranges, moi qui n’avait comme référence que Bob D ou le Love me Do des scarabées. L’enquête ne faisait que commencer, y a un truc ! Pendant un bon moment j’ai gavé avec cet instrument mes copains qui étaient plus admiratifs des descendeurs de manche que des adeptes du ruine-babines. Arrêtons les bavardages et ouvrons les oreilles ….
Sleep Harmo


Retrouvez ci-dessous Sonny Terry dans Hootin’ the blues


et Living With The Blues

samedi 23 avril 2011

Mon blues à moi (6) : Sam Hopkins


Sam Hopkins


Né le 15 mars 1912 à Centerville (Texas)
Mort le 30 janvier 1982 à Houston (Texas)


Dans la série des crooners voici Sam Hopkins.

A mon adolescence, j'ai acheté à un membre du « Peace corps » en partance sa collection de disques folkblues. Et c'est comme cela que je suis tombé dans une addiction outrancière de ce style de musique.

Il y avait dans ce lot deux 33t de Lightnin' Hopkins, l'un traditionnel acoustique et l'autre à la guitare électrique. Depuis lors je cultive l'écoute de ce maître du blues.

Si vous avez effectué un sale boulot toute la journée, si vous avez été maltraité, si le ciel est couvert, alors vous serez vraiment d'humeur à écouter ses chansons. Cela devrait être remboursé par la sécurité sociale.

Lui aussi a fait un peu de taule dans sa jeunesse. Ce n'était pas un mec facile, il n'aidait pas les blancs becs qui voulait lui piquer son jeu de guitare et était connu pour s'adonner au whisky.

Dans sa carrière longue de 60 ans, Hopkins a publié quelque 120 albums sur vinyle, donc plus de disques que n'importe quel autre bluesman avant ou depuis.

De fait, dès 1920, il commence par accompagner son frère et d'autres chanteurs à la guitare et reçoit les encouragements de Blind Lemon Jefferson.

En 1946, il enregistre une série de disques ou il est le premier bluesman à s'accompagner d'une guitare électrique. Il obtient un grand succès dans la communauté noire.

Avec la renaissance de la folk blues dans les années 60, le nom et la réputation de Lightnin 'Hopkins a enflé dans des proportions si remarquables que certaines personnes croyaient honnêtement qu'il a à peu près inventé le blues.

Le style prédominant chez Hopkins peut être décrit comme « poor lonesome bluesman » ou « sad Lone Star crying ». Il chante le blues dans une langue vernaculaire rurale, mais tout ce qu'il propose vous rend la vie plus facile où que vous soyez. Tels sont les mystères de sa musique.

Son jeu de guitare est d'une simplicité trompeuse, mais cette impression est vite démentie par l'élégance rare de filigranes. Sam est surnommé « Lightnin », il possède la lumière et la grâce.

Dans « Fool » la guitare amplifiée est en écho et soutien pour souligner les mots :

"Je n'ai pas de l'éducation / Je ne suis qu'un fou dans la ville".

Le chanteur admet qu'il ne peut pas écrire son nom et ne peut même pas dire son alphabet. Il se demande plaintivement : « Pourquoi ne puis-je obtenir quelqu'un d'instruit à venir m'enseigner pauvre de moi ? » « Je veux juste trouver quelqu'un pour venir m'enseigner / Et m'aider sur mon chemin ». Une chanson décrit trois minutes d'énormes problèmes sociaux.

Dans « Katie Mae Blues », il décrit une femme que d'aucuns compare à une cadillac. Mais pour lui, parce « qu'il en connaît le meilleur », il sait qu'elle est plus « comme un T-Model Ford / Elle a une belle silhouette / Mais elle ne peut exercer aucune lourde charge ». « Elle marche comme si elle avait des puits de pétrole dans son jardin ».

Des balades jouées avec une économie de moyen ou des mélodies plus rapides connues sous le terme de boogie Texas, font la majorité de son répertoire.

Pilblues




Lightnin' Hopkins (Part 1)



Lightnin' Hopkins (Part 2)


Lightnin' Hopkins - Lonesome Road

samedi 16 avril 2011

Mon blues à moi (5) : Huddie Ledbetter

Huddie Ledbetter



Né le 23 janvier 1885 à Mooringsport (Louisiane)
Mort le 05 décembre 1949 à New York



Tous ces bluesman n'étaient pas des enfants de cœur et dans la série des bad boys, voici Huddie Ledbetter, connu sous le nom de Leadbelly.

En 1905, il gagne sa vie comme guitariste et occasionnellement comme ouvrier.

Force de la nature, bon vivant, cette tête de mule résout ses problèmes par la bagarre. Cela finit par lui valoir quelques déboires avec la justice et en 1918, il est envoyé dans une prison du Texas pour la seconde fois, après avoir tué un homme.

En 1930, Leadbelly est de nouveau en prison, mais en Louisiane histoire de changer de crèmerie, pour tentative de meurtre.
En 1939, il est de nouveau emprisonné pour violence.

C'est une personnalité unique dans la musique populaire américaine du 20ème siècle. Il est connu pour un répertoire important de chansons qu'il a découvert, adapté, ou écrit.

En prison, en 1933, il est remarqué par les musicologues John et Alan Lomax, qui sont séduits par son talent, son chant clair et énergique, son accompagnement à la guitare douze cordes, et surtout un recueil de chansons folk très riche. Ils en feront un des premiers exemples de chanteur de folklore dont le fond provient de la tradition orale des premières années du 20ème siècle.

Parce qu'il était un Afro-Américain, il est parfois considéré comme un chanteur de blues, une forme musicale qu'il a effectivement précédé, mais le blues n'a été que l'un des styles qui ont éclairé sa musique.

Il a exercé une profonde influence sur les artistes folk des années 1940 tels que Woody Guthrie et Pete Seeger, qui à leur tour ont influencé la renaissance folk et le développement de la musique rock depuis les années 1960.

Bien qu'il ait joué le plus souvent la guitare à douze cordes, il pouvait également jouer sur différent instruments, piano, mandoline, harmonica, violon et accordéon.

Dans certains de ses enregistrements, comme dans une de ses versions de la folk ballade "John Hardy", il joue de l'accordéon, au lieu de la guitare. En d'autres enregistrements, il chante juste en tapant dans ses mains ou tapant du pied.

Les thèmes de la musique de LeadBelly a couvert un large éventail de sujets, des gospels, des blues sur les femmes, l'alcool et le racisme, et des chansons folkloriques à propos des cow-boys, de la prison, du travail, des marins, des bovins d'élevage, de la danse et des pièces pour enfants. "Goodnight, Irene", "Rock Island Line", "The Midnight Special"et "Coton fields".

Il a également écrit des chansons sur les vedettes de l'actualité, comme le président Franklin Roosevelt, Adolf Hitler, Jean Harlow, les Scottsboro Boys, et Howard Hughes.

En 1940, Leadbelly rencontre la scène du folk de New York et se lie avec Woody Guthrie et le jeune Pete Seeger. Au cours de la première moitié de la décennie, il enregistre pour RCA, la Bibliothèque du Congrès, et pour Moe Asch (qui créera Folkways Records) et en 1944 il réalise ses meilleurs enregistrements pour Capitol Records en Californie.

En 1949, il commence une tournée en Europe mais tombe malade et il meurt à l'âge de 64 ans. Son répertoire va trouver son chemin dans le monde de la pop.

Des chansons comme « house of rising sun », «Goodnight Irene", "Midnight Special", "Gallows Pole", "Rock Island Line"," Bourgeois Blues ", "Where Did You Sleep Last Night» et «Black Betty», ont tous eu un impact durable.

Son style de guitare 12 cordes n'a rien de spécialement remarquable, mais est bougrement efficace.

Pilblues


Leadbelly Newsreel

Je n'ai pas trouvé de films ou on le voit jouer, mais voici une vidéo édifiante ou Leadbelly tient son propre rôle ! Elle relate sa relaxe obtenue par Lomax...




Deux chansons de leadbelly

Where Did You Sleep Last Night



Rock Island Line




House of the rising sun

Une ballade irlandaise, à l'origine très ballade, Leadbelly l'a adapté, elle a été reprise par les folksingers des années 1940-50, puis remaniée par Dave von rank (dont je vous parlerai plus tard) dans sa forme définitive. Maintenant mondialement connue comme tube des Animals avec Eric Burdon. Histoire classique, malheureusement peu divulguée, comme beaucoup de chansons de nos bluesman favoris...





Exemple typique de ce que j'avance... Une chanson de travail dont leadbelly nous a laissé la trace.

"Black Betty" par Ram Jam


"Black Betty" par Meat Loaf

samedi 9 avril 2011

Mon blues à moi (4) : Josh White


Joshua Daniel White


11 février 1914 – 5 septembre 1969

Dans la série des crooners, voici Josh white. C'est le plus couru des bluesman dans les années quarante-cinquante. Capable d'aborder dans un style blues inimitable, les gospels, le blues bien sur, mais aussi les ballades folk-blues, et s'appropriant des accords de guitare jazzy accompagné d'un bassiste, d'un batteur...

Son père se prénommait Joshua, son fils de même. « Josh white junior » a repris le flambeau du prénom et joue les chansons de son père, continuant son combat et participant à la pérennité de sa renommée. Recherchez leur version de « Joshua fit the battle of Jericho »...

Écoutez tout d'abord Jelly Jelly, un blues bourré la aussi de métaphores explicites, d'un jeu de guitare et d'une voix sensuelle. C'est de la Soul avant l'heure ! (vidéo supprimée...)

Ensuite un chant classique « Nobody Knows You When You're Down and Out », très jazz en duo avec chanteuse (sa fille ?). (vidéo supprimée...)

Enfin "One Meat Ball" son œuvre combattante la plus connue. Cette chanson a été reprise depuis par beaucoup d'artistes engagés. Je vous offre la version de Ry Cooder. (vidéo supprimée...)

Selon la biographie d'Elijah Wald qui l'a établi avec le fils, Josh White est l'emblème de la musique noire américaine pour un public blanc des années quarante. Il est aussi celui de la musique folklorique, de la gauche américaine, d'un homme qui relance inlassablement la lutte contre la discrimination, les stéréotypes et ses propres démons.

Il devient l'un des artistes les plus réussis du monde du spectacle noir, puis se maintient dans cette position pendant quatre décennies. Josh a été saluée à plusieurs reprises en tant que roi des chanteurs de blues, le roi des chanteurs de folklore, le roi des chanteurs politiques, pionnier sex-symbole noir, "presidential Minstrel" à la Chambre Roosevelt White, et le roi du Cafe Society.

La vie de Josh a croisé certaines des périodes les plus passionnantes de la culture américaine. Dans les années 1920, il a été un des leader des chanteurs de blues dans le Sud, et est devenu le plus jeune soliste de la "race records" du marché. Dans les années 1930, il était une star du blues, plus populaire que Robert Johnson et a influencé toute une génération de joueurs du sud. Dans les années 1940, il est prisé par la communauté blanche de New York. Il apparaît aux côtés de figures du jazz comme Billie Holiday, et devient populaire dans le monde folk. Pete Seeger le considère comme «M. musique folk."

Son enregistrement de « One meat ball » a été un succès folk-pop, et il est l'une des rares figures noires star à Broadway et dans des films d'Hollywood.

C'est le seul guitariste noir a pouvoir proposer sa propre tournée nationale.

C'est aussi un sex-symbol audacieux avec adoratrices de toutes couleurs de peau confondues.

Dans les années 1950, Josh conquiert l'Europe, puis voit l'effondrement de sa carrière dans le bouillonnement politique polarisé de l'ère McCarthy. Il est recherché par le Ku Klux Klan. Il tente de trouver un équilibre permettant de maintenir à flot sa carrière, et réussi à s'aliéner les deux camps politiques, déclarant qu'il avait été "une ventouse pour les communistes," tout en maintenant ouvertement sa position sur les droits civils.

Il fuit l'Amérique, devient une étoile en Angleterre, et est peu à peu oublié dans sa patrie.

À la fin de la décennie, cependant, la renaissance folk ayant frappé, il a été classé en troisième position des « American folk singer » les plus populaires, après Harry Belafonte et Pete Seeger, mais devant Bob Dylan, et a été un artiste vedette de la marche de Martin Luther King à Washington.

À sa mort en 1969, c'était l'artiste folk-blues le plus connu en Amérique.

Pilblues

Two songs by Josh White


Josh White - blues & spiritual (The Walking Hills, 1949



Josh White - Concert en Suède

samedi 2 avril 2011

Mon blues à moi (3) : Mississippi John Hurt


Mississippi John Hurt


Né le 08 mars 1892 à Teoc, Caroll County (Mississippi)
Mort le 02 novembre 1966 à Grenada (Mississippi)


Allez ! Foin des chansons tristes, fini de se lamenter ! Passons à du blues festif, du blues de divertissement, des ritournelles faites pour animer les soirées du week-end et conter les épopées des héros populaires.

John Hurt a bien sur produit sa part de « worried blues » et de « worksongs » mais il a comme beaucoup d'autres été amené à divertir son auditoire. Il faut dire qu'avec la bouille qu'il a, arborant son p'tit galurin, moi j'ai d'emblée le boyau de la rigolade qui frénétise...

Humainement, voici un des plus attachant bluesman qui soit. Ce p'tit bonhomme est une crème. Quand je le vois, je pense Harpo des Max brothers mais en black.

Sa famille habite Avalon, bled paumé à peine signalé sur les cartes du Mississippi. Il découvre la musique très jeune et sa mère lui offre une guitare à neuf ans. Il rêve de devenir musicien et s'y emploie de toute son âme. Les vicissitudes de la vie font qu'à la mort de son père, il est obligé de travailler comme ouvrier agricole puis, très tôt, il est embauché par une compagnie de construction de chemin de fer.

Cependant, le soir et le week-end il joue de la guitare et chante dans les petits bals populaires du coin. Un violoniste blanc l'engage fin des années vingt pour remplacer son guitariste défaillant. Ce violoniste enregistre pour la maison de disque Qkeyh et le recommande auprès de celle ci. Il va alors enregistrer ses chansons en 78 tours (dont Avalon blues).

La crise de 29 arrête tout cela et voilà John Hurt reparti pour 35 ans de travail aux champs et pour la compagnie ferroviaire Il continue cependant à se produire localement avec un copain pianiste.

Vient le blues revival. Des passionnés qui connaissent les disques des bluesman des années vingt et trente se lancent à la recherche de tous ces vieux pépés. La plupart ont disparu. Mais ces gars là sont tenaces, ils réussissent à repérer la bourgade d'Avalon, y demande des nouvelles de John Hurt et finissent par tomber sur un petit bonhomme sur son tracteur qui leur répond « oui c'est moi ».

La suite sera le passage dans les concerts « American folk blues » et les enregistrements qui en résultent.

Mississippi John Hurt est de caractère plutôt casanier. Lorsqu'il travaillait loin de chez lui pour la construction du chemin de fer, il finissait par craquer et retournait cultiver sa terre en Avalon.

Malgré la célébrité foudroyante qu'il acquiert en concert et au sein du « Greenwich village » il repart près d’Avalon, s'y fait construire une nouvelle maison et y meurt paisiblement en 1969.

Je vous propose ici une vidéo de sa prestation lors du festival de Newport malheureusement écourtée pour passer Bob Dylan, le réalisateur a sans doute eu peur de la teneur des propos de John Hurt.

Car une fois n'est pas coutume, même si c'est toujours un blues, cette fois ci, ce n'est pas un chanson triste ou une clameur de désespoir. Candyman est carrément une chanson grivoise faite pour divertir et titiller l'assemblée. Ce type de chanson est courant dans le blues et l'usage de métaphores savoureuses va bon train.

Rien que le titre « homme bonbon » annonce le propos et ce qui s'en suit est encore plus explicite. Il appelle toutes les femmes à venir vers lui et leur parle d'un homme qui vient d'arriver en ville. Il les prévient de la taille de « nine inches long » du bâton de sucre d'orge qu'il leur met dans la main et qu'elle tiendront toute la nuit. Il y a même une gourmande et goulue qui est revenue le lendemain et qui lui a acheté tout son stock....

A regarder la vidéo on se demande de quel bois étaient faits les jeunes présents ce jour là. Y en pas un qui rigole, ils sont médusés... Je me doute que les chansons de garde et les paillardes que nous, français, apprécions, et que nous prenons comme partie prenante de la culture française issue de nos ménestrel et de Rabelais n'a probablement pas d'équivalent dans la culture anglo-saxonne WASP des États Unis d’Amérique de l'époque. Mais d'ici à ce que ce public savourant ce festival en prônant les « protest songs », ce même public qui sera quatre ans plus tard hippie à woodstock soit autant figé devant notre petit baladin coquin Mississippi John Hurt me laisse complètement pantois... On ressent vraiment une gène. Dieu que la chape puritaine protestante est affligeante !

Toujours est il que pour un guitariste, c'est un régal d'admirer son style de picking sautillant et alerte. Il aura beaucoup d'émules et sera très tôt étudié et divulgué. D'ailleurs John Hurt lui même n'en faisait pas une affaire et répondaient gentiment aux bambins comme Happy Traum, John Sébastien venant lui demander des conseils et lui piquer ses « licks ». Happy Traum publiera fin des années soixante les paroles et tablatures de la plupart de ses chansons.

La seconde vidéo est un blues balade « Spike Driver Blues » une des variantes innombrables qu'a suscité la légende de John henry, black hero contestataire, qu'il a du apprendre auprès de ses compères travaillant avec lui sur la ligne de chemin de fer. L'intérêt que j'y porte, outre l'affection que je démontre pour ce bluesman, est dans son jeu particulier de guitare.

Mississippi John Hurt y déploie un jeu de basses avec un pouce en béton et un tempo indestructible. C'est une des particularité de John Hurt.

Mais contrairement à Candyman ou le jeu présente tous les accords d'un blues en La, avec des digressions de solos dans les aiguës suivi de descente infernale, là, il ne bouge pas d'un iota de la position d'accord en sol majeur.

Comme c'est un des thèmes les plus populaires du blues il a du se coltiner avec cette chanson (ou une équivalente en sol) très jeune, moins expérimenté, et se faire une version plus simple en un seul accord qu'il a agrémenté de notes annexes. L'une d'elles est jouée avec le pouce (main droite) et le majeur (main gauche) pour ce mi dissonant dans la ligne de basse que l'on retrouve assez souvent dans ses blues. Les autres notes soulignent classiquement la mélodie sur les cordes aiguës avec l'index et le majeur (main droite) et index auriculaire (main gauche), l'annulaire étant indéfectiblement rivé en position d'accord sur le sol corde de basse.

Bon, à décrire textuellement c'est assez rébarbatif. Regardez la vidéo et écoutez ce blues originellement de « débutant », peaufiné dans la recherche de simplicité et d'efficacité pendant des années. Le résultat est complètement improbable et ça a l'air d'une simplicité enfantine. Mais je vous assure que c'est coton a reproduire proprement tellement ce jeu est particulier et personnel à John Hurt.

Je suppose qu'il aurait pu l'améliorer techniquement, mais il l'a gardé telle quelle, dissonante, sautillante à souhait, et certainement validée par des années de soumission au verdict d'un public de connaisseurs qu'il devait bien faire sourire avec cette version.

Ceci est une constante du jeu et des techniques des bluesmen. Chacun a ses petites manies, ses propres routines qu'il ont mis au point d'oreille pendant des années de formation autodidacte plus ou moins réussie. Et c'est inimitable, c'est un enfer à faire sonner proprement, quant à chanter les paroles dessus, on sombre aisément dans le ridicule le plus achevé.

Comme chanter du Brassens, beaucoup s'y sont frottés, très peu ont réussi. On a pu musicalement y apporter un petit plus dans la version jazz de ses airs ou même une version quatuor classique excellente (Roland Dyens, merveilleux guitariste français). Le seul qui à mon goût est vraiment réussi à faire quelque chose de ses chansons est Maxime Le forestier (écoutez la version bossa nova « A la clairefontaine » ou le blues « A l'ombre du cœur de ma mie »). D'ailleurs, il est revenu à des versions « au plus près » du maître lors de sa tournée dédiée à notre bluesman national.

Reste à savourer les rares maîtres es blues dont nous avons gardé le témoignage dans leur jus comme ce Mississippi John Hurt dont le naturel transpire la culture noire américaine et le jeu de guitare est ciselé par des années de pratique.



MISSISSIPPI JOHN HURT Lonesome Valley (1965)





Spike Driver Blues

samedi 26 mars 2011

Mon blues à moi (2) : Skip James


Skip James


Né le 21 juin 1902 à Bentonia (Mississippi). Bon, la date de naissance est sujette à caution mais rien ne l'infirmera maintenant.

Mort le 23 mai 1969 à Chicago (Illinois). Ça, par contre... on doit l'accepter.

Skip James est un des maîtres du blues et la c'est formel, j'en suis certain et vous pouvez me croire sur mes deux oreilles.

Il possède une technique de picking qui a influencé bon nombre de bluesmen.

Entre autres, Skip James a fortement influencé Robert Johnson, qui lui même en a marqué bien d'autres...

Skip James joue avant tout pour lui et les quelques « congénères» qui le regardent. Sa voix est une douce plainte intime que son jeu de guitare imite dans les aiguës, en écho. Nous sommes dans la douceur confidente de l'intimité du chanteur qui donne à palper sa douleur. Il gémit et se lamente. Plus que de la musique c'est un pansement!

Rares sont ses disques. Il enregistre 17 morceaux pour la Paramount en 1931. Ses œuvres survivants de cette époque montrent un style magistral et unique sur la guitare et le piano. Sa prestation envoûtante est sublimé par son chant falsetto sur un accompagnement rythmique et instrumental volontiers erratique.

La dépression a supprimé ses ventes de disques et l'a laissé dans l'obscurité, jusqu'à sa redécouverte en 1964 comme beaucoup d'autres lors du folk and blues revival.

La maladie réduit la carrière d'interprète de Skip James en 1968 et il meurt d'un cancer le 3 Octobre, 1969.

Avec une voix de fausset, Skip James a créé des standards incontournables de l'histoire du blues. Son art, reflet mystérieux des ténèbres de l'âme, est construit à l'aide d'accordages bizarres, de structures et de rythmes brisés, en explorant des thèmes noirs et lyriques.

Contrairement à d'autres bluesmen de l'époque, la musique de James était personnelle et sombre. Il joue pour sa libération émotionnelle et non à des fins de divertissement. "Devil Got My Woman," "Hard Time Killin' Floor Blues, "Hard Luck Child," et "Special Rider Blues" expriment la tristesse et la misère comme peu d'autres le délivrent.

D'autres morceaux comme le classique «I'm So Glad» et «Drunken Spree», sont plus de la trempe des airs delta blues fait pour entraîner et danser comme la traditionnelle "Late Last Night". Sa guitare énergique cueille alors les fanes de coton et les disperse à tous vents.

Skip James porte le blues traditionnel à sa quintessence. Aucune fioriture supplémentaire, tambours ou piano n'est nécessaire. Juste la guitare et le battement de son pied, vous ramène à une époque plus simple ou la musique triste était aussi prisée.

Pour moi, il y a beaucoup d'analogies entre Skip James dans le monde du blues et Thelonious Monk dans le domaine du jazz. La même soudaine compulsivité discordante dans le jeu de l'instrument et du corps, tordant le thème musical pour le plier à la justesse et à la sensibilité du discours.

Leurs styles ont marqué de leur empreinte la musique à tel point qu'à mon goût, il demeure un avant eux, et un après eux...
Pilblues

Deux vidéos de Skip James :

Skip James - Devil Got My Woman




Skip James - Skip´s Worried Blues




Une version moderne de Devil Got My Woman par Andrew Winton

Devil Got My Woman (Skip James) played live by Andrew Winton 2009




Enfin voici « Monk » dans ses œuvres


Thelonious Monk - Rhythm a Ning (live)




samedi 12 mars 2011

Mon blues à moi (1) : Reverend Gary Davis


Reverend Gary Davis


Sans ambages, voici une vidéo de Reverend Gary Davis, une performance représentative de la puissance des bluesman dans l'évocation du malheur et de la fatalité.

Cette catégorie de blues emprunte de manière parallèle les thèmes des gospels. La ferveur mystique y est à son paroxysme.

Regardez cette vidéo. Écoutez cette voix.






Si cela ne vous émeut pas, si vous n'avez pas les tripes nouées, les larmes qui brouillent la vision et secouent l’âme, vous êtes sourd et aveugle.

Assurément, vous n'êtes tout simplement pas humain.

Les sons de cette guitare céleste sonnent les cloches, la voix altérée par la vieillesse mais à la ferveur encore puissante prêche toujours et ne porte pas dans le désert. Les hommes et femmes du public sont saisis, figés par le message mystique.

À l'âge de 76 ans, sa voix ardente de «feu et de soufre» est contrebalancée par une prouesse instrumentale tout aussi agressive et fervente.

Même à travers son âge avancé, le picking de Reverend Gary Davis est resté propre, avec le timbre pur et direct qui était devenu sa marque de fabrique. L'âge semble avoir réellement amélioré son exécution et sa capacité à développer un espace d'improvisation au-delà des mélodies blues quelque peu limitées d'origine.

Davis était partiellement aveugle à la naissance, et a perdu le peu de vue qu'il possédait avant d'être adulte. Autodidacte à la guitare (dès l'âge de six ans), il avait à l'age de 20 ans l'une des techniques de guitare les plus avancées dans le blues. Ses pairs d'alors chez les joueurs de ragtime ont été Blind Arthur Blake, Blind Lemon Jefferson et Blind Willie Johnson. Davis lui-même a eu une influence majeure sur Blind Boy Fuller.

Dans la première partie de sa vie, fin des années 20, le Reverend Gary Davis a été l'un des praticiens les plus renommés de l'école de la côte Est de la guitare ragtime. 35 ans plus tard, en dépit de deux décennies passées à jouer dans les rues de Harlem à New York, il était encore l'un des géants dans son domaine, jouant devant des milliers de personnes, et une inspiration pour des dizaines de guitariste/chanteurs dont Bob Dylan, Taj Mahal, Donovan, et Jorma Kaukonen.
David Bromberg , stephan grossman, Ry Cooder, ont étudié avec Davis.

Au moment de ces enregistrements 1971 - un an avant son décès - son influence était devenue d'une grande portée et a été ressentie par une génération d'artistes concurrents :
Grateful Dead, Hot Tuna, David Bromberg et Stefan Grossman reprennent les blues de Davis et les diffusent à un public beaucoup plus large qui autrement n'y aurait certainement pas été exposé.

Contrairement à beaucoup de contemporains de Davis, il y a beaucoup de documents rares à disposition.

Youtube est votre ami...




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