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samedi 30 avril 2011

Mon blues à moi (7) : Sonny Terry


Sonny Terry



Je vous présente Sleep Harmo, dessinateur, humoriste et musicien. Depuis que je le connais, lui, son p'tit frérot, (et notre belle lurette), je ne l'ai jamais vu sans avoir en poche, dans une petite boite rouge, un picolo, mini harmonica de chez Hohner. C'est son talisman, son fil rouge.

Je partage avec lui son amour cette bête bizarre, qui, outre le fait de pouvoir faire hurler à la mort le clébard le plus policé, est avec la guitare le moyen d'expression le plus courant des bluesman.
Pilblues

Sonny Terry, né le 24 octobre 1911 à Greensboro (Georgie),
décédé le 11 mars 1986 à Mineola (New York)


Voilà maintenant 50 ans que l’harmonica diatonique fait partie intégrante de ma vie. La rencontre avec cet étrange instrument est le fait du hasard. Vers l’âge de 13, 14 ans, passant devant la vitrine d’un électricien en banlieue qui vendait également tourne-disques, disques, flutes à bec et harmonicas, je fus attiré par le petit modèle piccolo en do de chez Hohner qui trônait dans la vitrine. Un véritable coup de cœur. Pour 6,40 francs, je m’offrais (tout du moins je l’imaginais) un énorme bonheur. Tout mon argent de poche y passa. Heureux et excité à la fois, la petite boîte rouge au fond d’une poche, je me demandais bien qu’elle mouche m’avait piqué ? Je n’avais je l’avoue aucune connaissance particulière sur le sujet. J’avais bien entendu Albert Raisner et un vieux chef de patrouille chez les louveteaux souffler dans l’instrument mais c’était tout.

Après quelques tentatives plus proches du myxolydien non maitrisé que du pentatonique débridé, rien ne sortit de la miniature à lamelles. Mon enthousiasme chuta aussi vite que les cours en plein jeudi noir. Rejeté au fond d’un tiroir mon pauvre Piccolo entamait déjà une retraite précoce vouée sans doute à l’éternité…

Je le libérais bien plus tard après avoir découvert et entendu Bob Dylan, Les Stones, Les Them, les Yardbirds etc … Me disant qu’avec un peu d’effort, j’arriverais bien à sortir quelque chose de la bête.

Dans cette rubrique, je vais essayer, non pas de vous décrire mon long apprentissage de l’harmonica et mes progrès mais plutôt de vous faire partager différents coups de cœur autour de ce drôle d’instrument en y associant sons, vidéos, photos ou dessins collectés sur la toile.

Quand j’ai, pour la première fois, écouté tel ou tel harmoniciste? Je n’aspire pas à faire inventaire de manière chronologique, ni organiser, orchestrer, disséquer, labelliser, caser, alphabétiser, non !! ce sera avec l’aide d’une vieille copine, ma mémoire. Il me faudra parfois vraisemblablement ramer ! mais fi des difficultés que je ferai subir à mes synapses.

Je me lance !

Du coté de la Basilique de Saint Denis, un libraire, avait un petit rayon vinyls avec jazz, blues et musiques du monde. C’était ce jour là mon anniversaire, en entrant dans la boutique du père Bodard, mon frère me dit :

- ça te dirait un 33 ?

- tu parles !

– du Jazz ?

– non plutôt un truc où il y de l’harmonica !

- du blues alors ?

Après avoir plongé dans le rayon je tombais sur un American Folk Blues Festival 1965. Sur ce disque, il y avait peu d’harmonica, mais ça ferait mon espoir, le soir rivé à mon teppaz, quelle claque ! Plage 9 et 10 Shakey Jake et plage 12 Sonny Terry (en compagnie de Brownie Mc Ghee). Mais comment faisaient-ils, pour sortir des sons aussi étranges, moi qui n’avait comme référence que Bob D ou le Love me Do des scarabées. L’enquête ne faisait que commencer, y a un truc ! Pendant un bon moment j’ai gavé avec cet instrument mes copains qui étaient plus admiratifs des descendeurs de manche que des adeptes du ruine-babines. Arrêtons les bavardages et ouvrons les oreilles ….
Sleep Harmo


Retrouvez ci-dessous Sonny Terry dans Hootin’ the blues


et Living With The Blues

samedi 23 avril 2011

Mon blues à moi (6) : Sam Hopkins


Sam Hopkins


Né le 15 mars 1912 à Centerville (Texas)
Mort le 30 janvier 1982 à Houston (Texas)


Dans la série des crooners voici Sam Hopkins.

A mon adolescence, j'ai acheté à un membre du « Peace corps » en partance sa collection de disques folkblues. Et c'est comme cela que je suis tombé dans une addiction outrancière de ce style de musique.

Il y avait dans ce lot deux 33t de Lightnin' Hopkins, l'un traditionnel acoustique et l'autre à la guitare électrique. Depuis lors je cultive l'écoute de ce maître du blues.

Si vous avez effectué un sale boulot toute la journée, si vous avez été maltraité, si le ciel est couvert, alors vous serez vraiment d'humeur à écouter ses chansons. Cela devrait être remboursé par la sécurité sociale.

Lui aussi a fait un peu de taule dans sa jeunesse. Ce n'était pas un mec facile, il n'aidait pas les blancs becs qui voulait lui piquer son jeu de guitare et était connu pour s'adonner au whisky.

Dans sa carrière longue de 60 ans, Hopkins a publié quelque 120 albums sur vinyle, donc plus de disques que n'importe quel autre bluesman avant ou depuis.

De fait, dès 1920, il commence par accompagner son frère et d'autres chanteurs à la guitare et reçoit les encouragements de Blind Lemon Jefferson.

En 1946, il enregistre une série de disques ou il est le premier bluesman à s'accompagner d'une guitare électrique. Il obtient un grand succès dans la communauté noire.

Avec la renaissance de la folk blues dans les années 60, le nom et la réputation de Lightnin 'Hopkins a enflé dans des proportions si remarquables que certaines personnes croyaient honnêtement qu'il a à peu près inventé le blues.

Le style prédominant chez Hopkins peut être décrit comme « poor lonesome bluesman » ou « sad Lone Star crying ». Il chante le blues dans une langue vernaculaire rurale, mais tout ce qu'il propose vous rend la vie plus facile où que vous soyez. Tels sont les mystères de sa musique.

Son jeu de guitare est d'une simplicité trompeuse, mais cette impression est vite démentie par l'élégance rare de filigranes. Sam est surnommé « Lightnin », il possède la lumière et la grâce.

Dans « Fool » la guitare amplifiée est en écho et soutien pour souligner les mots :

"Je n'ai pas de l'éducation / Je ne suis qu'un fou dans la ville".

Le chanteur admet qu'il ne peut pas écrire son nom et ne peut même pas dire son alphabet. Il se demande plaintivement : « Pourquoi ne puis-je obtenir quelqu'un d'instruit à venir m'enseigner pauvre de moi ? » « Je veux juste trouver quelqu'un pour venir m'enseigner / Et m'aider sur mon chemin ». Une chanson décrit trois minutes d'énormes problèmes sociaux.

Dans « Katie Mae Blues », il décrit une femme que d'aucuns compare à une cadillac. Mais pour lui, parce « qu'il en connaît le meilleur », il sait qu'elle est plus « comme un T-Model Ford / Elle a une belle silhouette / Mais elle ne peut exercer aucune lourde charge ». « Elle marche comme si elle avait des puits de pétrole dans son jardin ».

Des balades jouées avec une économie de moyen ou des mélodies plus rapides connues sous le terme de boogie Texas, font la majorité de son répertoire.

Pilblues




Lightnin' Hopkins (Part 1)



Lightnin' Hopkins (Part 2)


Lightnin' Hopkins - Lonesome Road

samedi 16 avril 2011

Mon blues à moi (5) : Huddie Ledbetter

Huddie Ledbetter



Né le 23 janvier 1885 à Mooringsport (Louisiane)
Mort le 05 décembre 1949 à New York



Tous ces bluesman n'étaient pas des enfants de cœur et dans la série des bad boys, voici Huddie Ledbetter, connu sous le nom de Leadbelly.

En 1905, il gagne sa vie comme guitariste et occasionnellement comme ouvrier.

Force de la nature, bon vivant, cette tête de mule résout ses problèmes par la bagarre. Cela finit par lui valoir quelques déboires avec la justice et en 1918, il est envoyé dans une prison du Texas pour la seconde fois, après avoir tué un homme.

En 1930, Leadbelly est de nouveau en prison, mais en Louisiane histoire de changer de crèmerie, pour tentative de meurtre.
En 1939, il est de nouveau emprisonné pour violence.

C'est une personnalité unique dans la musique populaire américaine du 20ème siècle. Il est connu pour un répertoire important de chansons qu'il a découvert, adapté, ou écrit.

En prison, en 1933, il est remarqué par les musicologues John et Alan Lomax, qui sont séduits par son talent, son chant clair et énergique, son accompagnement à la guitare douze cordes, et surtout un recueil de chansons folk très riche. Ils en feront un des premiers exemples de chanteur de folklore dont le fond provient de la tradition orale des premières années du 20ème siècle.

Parce qu'il était un Afro-Américain, il est parfois considéré comme un chanteur de blues, une forme musicale qu'il a effectivement précédé, mais le blues n'a été que l'un des styles qui ont éclairé sa musique.

Il a exercé une profonde influence sur les artistes folk des années 1940 tels que Woody Guthrie et Pete Seeger, qui à leur tour ont influencé la renaissance folk et le développement de la musique rock depuis les années 1960.

Bien qu'il ait joué le plus souvent la guitare à douze cordes, il pouvait également jouer sur différent instruments, piano, mandoline, harmonica, violon et accordéon.

Dans certains de ses enregistrements, comme dans une de ses versions de la folk ballade "John Hardy", il joue de l'accordéon, au lieu de la guitare. En d'autres enregistrements, il chante juste en tapant dans ses mains ou tapant du pied.

Les thèmes de la musique de LeadBelly a couvert un large éventail de sujets, des gospels, des blues sur les femmes, l'alcool et le racisme, et des chansons folkloriques à propos des cow-boys, de la prison, du travail, des marins, des bovins d'élevage, de la danse et des pièces pour enfants. "Goodnight, Irene", "Rock Island Line", "The Midnight Special"et "Coton fields".

Il a également écrit des chansons sur les vedettes de l'actualité, comme le président Franklin Roosevelt, Adolf Hitler, Jean Harlow, les Scottsboro Boys, et Howard Hughes.

En 1940, Leadbelly rencontre la scène du folk de New York et se lie avec Woody Guthrie et le jeune Pete Seeger. Au cours de la première moitié de la décennie, il enregistre pour RCA, la Bibliothèque du Congrès, et pour Moe Asch (qui créera Folkways Records) et en 1944 il réalise ses meilleurs enregistrements pour Capitol Records en Californie.

En 1949, il commence une tournée en Europe mais tombe malade et il meurt à l'âge de 64 ans. Son répertoire va trouver son chemin dans le monde de la pop.

Des chansons comme « house of rising sun », «Goodnight Irene", "Midnight Special", "Gallows Pole", "Rock Island Line"," Bourgeois Blues ", "Where Did You Sleep Last Night» et «Black Betty», ont tous eu un impact durable.

Son style de guitare 12 cordes n'a rien de spécialement remarquable, mais est bougrement efficace.

Pilblues


Leadbelly Newsreel

Je n'ai pas trouvé de films ou on le voit jouer, mais voici une vidéo édifiante ou Leadbelly tient son propre rôle ! Elle relate sa relaxe obtenue par Lomax...




Deux chansons de leadbelly

Where Did You Sleep Last Night



Rock Island Line




House of the rising sun

Une ballade irlandaise, à l'origine très ballade, Leadbelly l'a adapté, elle a été reprise par les folksingers des années 1940-50, puis remaniée par Dave von rank (dont je vous parlerai plus tard) dans sa forme définitive. Maintenant mondialement connue comme tube des Animals avec Eric Burdon. Histoire classique, malheureusement peu divulguée, comme beaucoup de chansons de nos bluesman favoris...





Exemple typique de ce que j'avance... Une chanson de travail dont leadbelly nous a laissé la trace.

"Black Betty" par Ram Jam


"Black Betty" par Meat Loaf

samedi 9 avril 2011

Mon blues à moi (4) : Josh White


Joshua Daniel White


11 février 1914 – 5 septembre 1969

Dans la série des crooners, voici Josh white. C'est le plus couru des bluesman dans les années quarante-cinquante. Capable d'aborder dans un style blues inimitable, les gospels, le blues bien sur, mais aussi les ballades folk-blues, et s'appropriant des accords de guitare jazzy accompagné d'un bassiste, d'un batteur...

Son père se prénommait Joshua, son fils de même. « Josh white junior » a repris le flambeau du prénom et joue les chansons de son père, continuant son combat et participant à la pérennité de sa renommée. Recherchez leur version de « Joshua fit the battle of Jericho »...

Écoutez tout d'abord Jelly Jelly, un blues bourré la aussi de métaphores explicites, d'un jeu de guitare et d'une voix sensuelle. C'est de la Soul avant l'heure ! (vidéo supprimée...)

Ensuite un chant classique « Nobody Knows You When You're Down and Out », très jazz en duo avec chanteuse (sa fille ?). (vidéo supprimée...)

Enfin "One Meat Ball" son œuvre combattante la plus connue. Cette chanson a été reprise depuis par beaucoup d'artistes engagés. Je vous offre la version de Ry Cooder. (vidéo supprimée...)

Selon la biographie d'Elijah Wald qui l'a établi avec le fils, Josh White est l'emblème de la musique noire américaine pour un public blanc des années quarante. Il est aussi celui de la musique folklorique, de la gauche américaine, d'un homme qui relance inlassablement la lutte contre la discrimination, les stéréotypes et ses propres démons.

Il devient l'un des artistes les plus réussis du monde du spectacle noir, puis se maintient dans cette position pendant quatre décennies. Josh a été saluée à plusieurs reprises en tant que roi des chanteurs de blues, le roi des chanteurs de folklore, le roi des chanteurs politiques, pionnier sex-symbole noir, "presidential Minstrel" à la Chambre Roosevelt White, et le roi du Cafe Society.

La vie de Josh a croisé certaines des périodes les plus passionnantes de la culture américaine. Dans les années 1920, il a été un des leader des chanteurs de blues dans le Sud, et est devenu le plus jeune soliste de la "race records" du marché. Dans les années 1930, il était une star du blues, plus populaire que Robert Johnson et a influencé toute une génération de joueurs du sud. Dans les années 1940, il est prisé par la communauté blanche de New York. Il apparaît aux côtés de figures du jazz comme Billie Holiday, et devient populaire dans le monde folk. Pete Seeger le considère comme «M. musique folk."

Son enregistrement de « One meat ball » a été un succès folk-pop, et il est l'une des rares figures noires star à Broadway et dans des films d'Hollywood.

C'est le seul guitariste noir a pouvoir proposer sa propre tournée nationale.

C'est aussi un sex-symbol audacieux avec adoratrices de toutes couleurs de peau confondues.

Dans les années 1950, Josh conquiert l'Europe, puis voit l'effondrement de sa carrière dans le bouillonnement politique polarisé de l'ère McCarthy. Il est recherché par le Ku Klux Klan. Il tente de trouver un équilibre permettant de maintenir à flot sa carrière, et réussi à s'aliéner les deux camps politiques, déclarant qu'il avait été "une ventouse pour les communistes," tout en maintenant ouvertement sa position sur les droits civils.

Il fuit l'Amérique, devient une étoile en Angleterre, et est peu à peu oublié dans sa patrie.

À la fin de la décennie, cependant, la renaissance folk ayant frappé, il a été classé en troisième position des « American folk singer » les plus populaires, après Harry Belafonte et Pete Seeger, mais devant Bob Dylan, et a été un artiste vedette de la marche de Martin Luther King à Washington.

À sa mort en 1969, c'était l'artiste folk-blues le plus connu en Amérique.

Pilblues

Two songs by Josh White


Josh White - blues & spiritual (The Walking Hills, 1949



Josh White - Concert en Suède

samedi 2 avril 2011

Mon blues à moi (3) : Mississippi John Hurt


Mississippi John Hurt


Né le 08 mars 1892 à Teoc, Caroll County (Mississippi)
Mort le 02 novembre 1966 à Grenada (Mississippi)


Allez ! Foin des chansons tristes, fini de se lamenter ! Passons à du blues festif, du blues de divertissement, des ritournelles faites pour animer les soirées du week-end et conter les épopées des héros populaires.

John Hurt a bien sur produit sa part de « worried blues » et de « worksongs » mais il a comme beaucoup d'autres été amené à divertir son auditoire. Il faut dire qu'avec la bouille qu'il a, arborant son p'tit galurin, moi j'ai d'emblée le boyau de la rigolade qui frénétise...

Humainement, voici un des plus attachant bluesman qui soit. Ce p'tit bonhomme est une crème. Quand je le vois, je pense Harpo des Max brothers mais en black.

Sa famille habite Avalon, bled paumé à peine signalé sur les cartes du Mississippi. Il découvre la musique très jeune et sa mère lui offre une guitare à neuf ans. Il rêve de devenir musicien et s'y emploie de toute son âme. Les vicissitudes de la vie font qu'à la mort de son père, il est obligé de travailler comme ouvrier agricole puis, très tôt, il est embauché par une compagnie de construction de chemin de fer.

Cependant, le soir et le week-end il joue de la guitare et chante dans les petits bals populaires du coin. Un violoniste blanc l'engage fin des années vingt pour remplacer son guitariste défaillant. Ce violoniste enregistre pour la maison de disque Qkeyh et le recommande auprès de celle ci. Il va alors enregistrer ses chansons en 78 tours (dont Avalon blues).

La crise de 29 arrête tout cela et voilà John Hurt reparti pour 35 ans de travail aux champs et pour la compagnie ferroviaire Il continue cependant à se produire localement avec un copain pianiste.

Vient le blues revival. Des passionnés qui connaissent les disques des bluesman des années vingt et trente se lancent à la recherche de tous ces vieux pépés. La plupart ont disparu. Mais ces gars là sont tenaces, ils réussissent à repérer la bourgade d'Avalon, y demande des nouvelles de John Hurt et finissent par tomber sur un petit bonhomme sur son tracteur qui leur répond « oui c'est moi ».

La suite sera le passage dans les concerts « American folk blues » et les enregistrements qui en résultent.

Mississippi John Hurt est de caractère plutôt casanier. Lorsqu'il travaillait loin de chez lui pour la construction du chemin de fer, il finissait par craquer et retournait cultiver sa terre en Avalon.

Malgré la célébrité foudroyante qu'il acquiert en concert et au sein du « Greenwich village » il repart près d’Avalon, s'y fait construire une nouvelle maison et y meurt paisiblement en 1969.

Je vous propose ici une vidéo de sa prestation lors du festival de Newport malheureusement écourtée pour passer Bob Dylan, le réalisateur a sans doute eu peur de la teneur des propos de John Hurt.

Car une fois n'est pas coutume, même si c'est toujours un blues, cette fois ci, ce n'est pas un chanson triste ou une clameur de désespoir. Candyman est carrément une chanson grivoise faite pour divertir et titiller l'assemblée. Ce type de chanson est courant dans le blues et l'usage de métaphores savoureuses va bon train.

Rien que le titre « homme bonbon » annonce le propos et ce qui s'en suit est encore plus explicite. Il appelle toutes les femmes à venir vers lui et leur parle d'un homme qui vient d'arriver en ville. Il les prévient de la taille de « nine inches long » du bâton de sucre d'orge qu'il leur met dans la main et qu'elle tiendront toute la nuit. Il y a même une gourmande et goulue qui est revenue le lendemain et qui lui a acheté tout son stock....

A regarder la vidéo on se demande de quel bois étaient faits les jeunes présents ce jour là. Y en pas un qui rigole, ils sont médusés... Je me doute que les chansons de garde et les paillardes que nous, français, apprécions, et que nous prenons comme partie prenante de la culture française issue de nos ménestrel et de Rabelais n'a probablement pas d'équivalent dans la culture anglo-saxonne WASP des États Unis d’Amérique de l'époque. Mais d'ici à ce que ce public savourant ce festival en prônant les « protest songs », ce même public qui sera quatre ans plus tard hippie à woodstock soit autant figé devant notre petit baladin coquin Mississippi John Hurt me laisse complètement pantois... On ressent vraiment une gène. Dieu que la chape puritaine protestante est affligeante !

Toujours est il que pour un guitariste, c'est un régal d'admirer son style de picking sautillant et alerte. Il aura beaucoup d'émules et sera très tôt étudié et divulgué. D'ailleurs John Hurt lui même n'en faisait pas une affaire et répondaient gentiment aux bambins comme Happy Traum, John Sébastien venant lui demander des conseils et lui piquer ses « licks ». Happy Traum publiera fin des années soixante les paroles et tablatures de la plupart de ses chansons.

La seconde vidéo est un blues balade « Spike Driver Blues » une des variantes innombrables qu'a suscité la légende de John henry, black hero contestataire, qu'il a du apprendre auprès de ses compères travaillant avec lui sur la ligne de chemin de fer. L'intérêt que j'y porte, outre l'affection que je démontre pour ce bluesman, est dans son jeu particulier de guitare.

Mississippi John Hurt y déploie un jeu de basses avec un pouce en béton et un tempo indestructible. C'est une des particularité de John Hurt.

Mais contrairement à Candyman ou le jeu présente tous les accords d'un blues en La, avec des digressions de solos dans les aiguës suivi de descente infernale, là, il ne bouge pas d'un iota de la position d'accord en sol majeur.

Comme c'est un des thèmes les plus populaires du blues il a du se coltiner avec cette chanson (ou une équivalente en sol) très jeune, moins expérimenté, et se faire une version plus simple en un seul accord qu'il a agrémenté de notes annexes. L'une d'elles est jouée avec le pouce (main droite) et le majeur (main gauche) pour ce mi dissonant dans la ligne de basse que l'on retrouve assez souvent dans ses blues. Les autres notes soulignent classiquement la mélodie sur les cordes aiguës avec l'index et le majeur (main droite) et index auriculaire (main gauche), l'annulaire étant indéfectiblement rivé en position d'accord sur le sol corde de basse.

Bon, à décrire textuellement c'est assez rébarbatif. Regardez la vidéo et écoutez ce blues originellement de « débutant », peaufiné dans la recherche de simplicité et d'efficacité pendant des années. Le résultat est complètement improbable et ça a l'air d'une simplicité enfantine. Mais je vous assure que c'est coton a reproduire proprement tellement ce jeu est particulier et personnel à John Hurt.

Je suppose qu'il aurait pu l'améliorer techniquement, mais il l'a gardé telle quelle, dissonante, sautillante à souhait, et certainement validée par des années de soumission au verdict d'un public de connaisseurs qu'il devait bien faire sourire avec cette version.

Ceci est une constante du jeu et des techniques des bluesmen. Chacun a ses petites manies, ses propres routines qu'il ont mis au point d'oreille pendant des années de formation autodidacte plus ou moins réussie. Et c'est inimitable, c'est un enfer à faire sonner proprement, quant à chanter les paroles dessus, on sombre aisément dans le ridicule le plus achevé.

Comme chanter du Brassens, beaucoup s'y sont frottés, très peu ont réussi. On a pu musicalement y apporter un petit plus dans la version jazz de ses airs ou même une version quatuor classique excellente (Roland Dyens, merveilleux guitariste français). Le seul qui à mon goût est vraiment réussi à faire quelque chose de ses chansons est Maxime Le forestier (écoutez la version bossa nova « A la clairefontaine » ou le blues « A l'ombre du cœur de ma mie »). D'ailleurs, il est revenu à des versions « au plus près » du maître lors de sa tournée dédiée à notre bluesman national.

Reste à savourer les rares maîtres es blues dont nous avons gardé le témoignage dans leur jus comme ce Mississippi John Hurt dont le naturel transpire la culture noire américaine et le jeu de guitare est ciselé par des années de pratique.



MISSISSIPPI JOHN HURT Lonesome Valley (1965)





Spike Driver Blues